Couverture du sol

Pilote d’action : ARVALIS
Autres partenaires impliqués : Landwirtschaftsamt Breisgau-Hochschwarzwald, LUFA Speyer

Contexte

La proportion de sols nus (labourés/travaillés) durant la période hivernale (de novembre à avril) est élevée – en particulier dans le contexte de la monoculture de maïs, pratiquée par de nombreux agriculteurs en Alsace. Mais même dans une rotation maïs–céréales, le sol reste nu pendant plusieurs semaines.

Pour adapter les grandes cultures au changement climatique et contribuer à son atténuation dans le territoire du Rhin supérieur, la pratique de couverture des sols est un levier à étudier de près.

Dans le cadre du projet KLIMACrops, ARVALIS met en place un réseau d’essais sur l’implantation de cultures intermédiaires entre deux maïs.

L’Office agricole Breisgau-Hochschwarzwald teste quant à lui l’établissement de la vesce couronnée multicolore ou d’une culture alternative dans une culture de maïs, afin d’assurer la transition vers une culture céréalière suivante. L’objectif est de garantir une couverture végétale permanente, également appelée « pont vert ». C’est l’un des principes de base de l’agriculture régénérative.

Au lieu de recourir à des cultures intermédiaires semées régulièrement ou à des sous-semis, l’idée ici est de travailler avec un couvert végétal permanent, dans lequel on implante ensuite une culture principale.

La vesce couronnée multicolore a été choisie car elle est rustique, légumineuse et car des essais antérieurs ont donné des résultats intéressants en tant que culture permanente.

 

Essai en Bade-Wurtemberg

Objectifs

vesce couronnée multicolore le 19/07/2023, environ 3 mois après semis

Image 1 (vesce couronnée multicolore le 19/07/2023, environ 3 mois après semis) crédit photo : Martin Heigl/LRA

  • Acquérir des références pratiques sur l’installation et la gestion d’un couvert végétal permanent
  • Acquérir des références sur le choix des espèces végétales adaptées
  • Acquérir des références sur l’implantation d’une culture principale dans un couvert végétal permanent

Mise en place de l’essai

L’essai est conduit sur deux sites, Freiburg-Keidelbad et Freiburg-Mundenhof, dans le fossé rhénan.

Sur le site de Freiburg-Keidelbad, la vesce couronnée a été implantée peu avant le semis de la culture principale (maïs).

Sur le site de Freiburg-Mundenhof, la vesce couronnée devait être implantée en fin d’automne en tant que culture intermédiaire, après la récolte de la culture précédente (blé d’hiver).

Pour l’établissement et la régulation de la vesce couronnée, trois variantes d’essai ont été développées en plus du témoin.

 

Modalités testées

  • Temoin :
    Conventionnel/pratique du producteur
    Travail du sol, fertilisation, protection phytosanitaire
  • Binage :
    Traitement du rang de maïs et binage interrang
    Fertilisation par dépôt
  • Ecomulch :
    Traitement du rang de maïs et broyeur sur l‘interrang
    Fertilisation par dépôt
  • Bio :
    Bineuse à doigts sur le rang et binage en interrang
    Fertilisation par dépôt
Image 2 (Vesce couronnée à la levée, 6 semaines après le semis) Photo: Martin Heigl/LRA

Image 2 (Vesce couronnée à la levée, 6 semaines après le semis) Photo: Martin Heigl/LRA

Semis Vesce couronnée le 06.04.2023) Photo: Martin Heigl/LRA

Image 3 (Semis Vesce couronnée le 06.04.2023) Photo: Martin Heigl/LRA

Bilan intermédiaire de l’essai avec la vesce couronnée multicolore

 

  1. Références techniques sur l’implantation et la gestion d’un couvert végétal permanent

Différentes périodes et méthodes d’implantation ont été testées sur les deux sites :

  • Semis de printemps en même temps que le maïs (Keidelbad) :
    Cette variante n’a pas donné de résultats concluants en raison du développement juvénile lent de la vesce et d’une forte pression des adventices. Même la deuxième année, malgré un semis direct du maïs, le développement est resté insuffisant – il en a résulté une mauvaise récolte.
  • Blé d’hiver en interlignes larges (à partir de l’automne 2024) :
    Le semis de blé d’hiver avec des interlignes élargis a donné des résultats nettement meilleurs. La vesce a pu se réimplanter au printemps et fonctionne désormais comme couvert végétal permanent. Cette variante est actuellement considérée comme l’option la plus prometteuse.
  • Semis en culture intermédiaire après céréales (Mundenhof) :
    Cette variante expérimentale a dû être interrompue à deux reprises – une fois en raison de l’occupation de la parcelle par un tiers, une autre fois en raison d’un échec de levée. Une dernière tentative est prévue pour 2025.

Aucune conclusion fiable ne peut encore être tirée sur la gestion du développement de la vesce, car elle n’a pu se développer correctement que dans une seule des variantes testées.

  1. Quelle espèce végétale convient le mieux ?

La vesce couronnée multicolore a été délibérément choisie, car elle est :

  • Rustique en hiver et pérenne,
  • Une légumineuse fixatrice d’azote,
  • Écologiquement bénéfique pour les pollinisateurs tels que les abeilles sauvages et les papillons,
  • Déjà testée avec des résultats prometteurs dans des essais antérieurs (par exemple à l’Iful Müllheim en 2006).
  1. Implantation d’une culture principale dans un couvert végétal permanent

Le semis direct de maïs a fonctionné sur le plan technique, mais une forte infestation d’adventices a empêché toute rentabilité économique.

En revanche, le semis de blé d’hiver avec des interlignes larges a donné d’excellents résultats – la vesce a pu bien se redévelopper et agit désormais comme couvert végétal vivant entre les rangs.

Perspectives

La combinaison de céréales d’hiver en interlignes larges avec une vesce couronnée permanente s’est révélée jusqu’à présent comme la variante la plus prometteuse.

L’implantation de la vesce en culture intermédiaire reste difficile – une dernière tentative est prévue pour 2025.
Une évaluation à long terme ne sera malheureusement plus possible en raison de la fin du projet.

Site 2: Freiburg Mundenhof - Implantation de la vesce couronnée en fin d'année (07.09.2023) après la récolte des céréales (blé d'hiver) - Levée de la vesce couronnée le 22.09.2023 - Semis de la culture principale de maïs prévus au printemps 2024 (avril).

Image 4 (Semis Vesce couronnée le 07.09.2023) Photo: Martin Heigl/LRA

Image 5 (Semence de vesce couronnée inocculéeinoculée au moment du semis) Photo: Martin Heigl/LRA

Image 5 (Semence de vesce couronnée inoculée au moment du semis) Photo: Martin Heigl/LRA

Essais en Alsace

Objectifs

  • Établir des références techniques et économiques à destination des agriculteurs et des conseillers agricoles ;
  • Développer un conseil pratique adapté aux différentes zones de production de la région ;
  • Étudier la reproductibilité et les impacts à court et moyen terme de l’introduction de cultures intermédiaires entre deux cultures de maïs grain, avec une destruction tardive ;
  • Répondre aux évolutions réglementaires dans le contexte de la monoculture de maïs ;
  • Évaluer le potentiel de stockage de carbone des cultures intermédiaires

L’objectif global est de réaliser, à l’issue du projet KLIMACrops, une évaluation technico-économique et environnementale de cette pratique sur le territoire alsacien.

Modalités testées

Chaque année, différentes associations de cultures intermédiaires sont testées. Les espèces sont choisies en fonction de la date de semis. Trois périodes principales de semis sont distinguées, en lien avec le stade de développement du maïs grain cultivé, ce qui influence la gestion de la culture intermédiaire (choix des espèces, date et mode de semis, matériel agricole, destruction, etc.) :

  • Semis précoce sous couvert (maïs au stade 6–8 feuilles) ;
  • Semis tardif par drone (au moment de la sénescence du maïs) ;
  • Semis après la récolte.
Mélanges et espèces des couverts végétaux retenus, selon la période de semis

Méthode

Les essais sont réalisés sur de grandes parcelles (sans répétition intra-parcellaire) chez des agriculteurs (8 en 2023–2024, 7 en 2024–2025) répartis sur l’ensemble de l’Alsace – dans les quatre principales régions caractéristiques de la monoculture de maïs grain : la plaine d’Ill, la Hardt, le Ried, et le nord du Sundgau.

Sur chaque site, les modalités avec couvert végétal sont comparées à une modalité témoin sans couvert, représentant les pratiques agricoles courantes. Les trois dates de semis testées (semis précoce, semis tardif, semis post-récolte) sont répétées entre 2 et 9 fois chez les différents agriculteurs du réseau d’expérimentation.

Plusieurs mesures sont effectuées sur ces parcelles d’essai, notamment :

  • Sur les cultures intermédiaires : biomasse, teneur en azote et en carbone, taux de couverture du sol, hauteur du couvert, densité du peuplement ;
  • Sur le maïs grain : stades de développement (levée, floraison femelle, maturité), densité du peuplement, biomasse à la floraison, composantes du rendement (PMG, densité des plantes et des épis/ha), et rendement validé à 15 % d’humidité ;
  • Sur la fertilité des sols : analyses de sol, reliquats azotés, profil cultural à la bêche, mesures tensiométriques.

Les cultures intermédiaires semées l’année N sont détruites l’année N+1, avant le semis du maïs grain suivant – entre mars et avril. Toutes les pratiques culturales sont planifiées en concertation avec les agriculteurs et mises en œuvre avec leur propre matériel agricole.


Résultats des 2 premières années (hiver 2023/2024, hiver 2024/2025)


Quels ont été les taux de réussites à la levée des couverts ?

Figure 1 : Peuplement des couverts semés post-récolte du maïs sur les campagnes 2023-2024 et 2024-2025

Quels ont été les taux de réussites à la levée des couverts ?
Le graphique ci-dessus présente les taux de levées des semis sur les automnes 2023 et 2024 en fonction de la densité semée. De manière générale, on remarque une hétérogénéité des taux de levées des couverts (entre 5 et 80%), principalement conditionnée par la date de semis, le mode d’implantation, le type de sol et le pédoclimat local. De plus, les conditions de semis de l’automne 2023 et 2024 ont été compliquées avec des sols humides et des pluies régulières.

Figure 2 : Biomasses des couverts semés en 2023 et mesurées début mars 2024

A quelles biomasses des couverts s’attendre au début du mois de mars ?
Le graphique ci-dessus présente les biomasses des couverts mesurées les 4 et 5 mars 2024 sur l’ensemble des parcelles du réseau d’essai. Le mode d’implantation et la date de semis ont été précisés sur l’axe des abscisses. Les biomasses des couverts ont été globalement faibles avec une moyenne de 0.4T MS/ha tout type de couvert confondu. Les valeurs s’étalent de 0.04T MS/ha pour des sous-semis au drone et jusqu’à 1.72T MS/ha pour un couvert d’avoine, seigle, vesce et trèfle semé le 18 octobre 2023 en labour.

Figure 3 : Evolution des biomasses et de l’azote absorbé des couverts détruits tardivement en 2024

Quel effet des destructions tardives des couverts sur la biomasse et l’azote absorbé ?
Le graphique ci-dessus présente l’évolution des biomasses de certaines parcelles où les couverts ont été détruits tardivement en saison. Entre le 05 mars et le 03 avril 2024, ces couverts semés post-récolte ont multiplié leur biomasse de quatre points : on atteint autour de 1T MS/ha en moyenne en début avril. L’azote absorbé par les couverts est largement corrélé à la biomasse de ces derniers : en moyenne, 35kgN/ha est absorbé en début avril par les couverts, contre seulement 8kgN/ha en début mars.

Figure 4 : Ecart de rendement en pourcentage du témoin adjacent et en quintaux/ha à la récolte 2024

Y-a-t-il un impact des couverts sur le rendement du maïs suivant ?
Pour finir, la figure 4 affiche les premiers résultats des rendements mesurés sur les parcelles du réseau d’essais couverts. Les résultats sont affichés en pourcentage de rendement par rapport au témoin sol nu, à 100% sur la barre orange, ainsi qu’en données chiffrées d’écart couvert/témoin en quintaux/ha. Globalement, les différences de rendements entre zones de témoins sols nus et zones avec couverts sont assez similaires. Les différences s’étendent de 0.6 à 10.3% selon les sites d’essais.