Agroforesterie

Les systèmes agroforestiers (l’intégration de cultures pérennes dans les champs et les pâturages) connaissent actuellement une renaissance et de nouvelles interprétations variées qui mettent en avant leur caractère multifonctionnel. Les systèmes agroforestiers constituent une stratégie agro-écologique d’adaptation au changement climatique et favorisent la protection et la régénération des ressources naturelles (sol, eau, biodiversité). En outre, les systèmes agroforestiers permettent d’augmenter durablement la productivité par surface et les exploitations peuvent ainsi élargir leur gamme de produits. La demande d’expériences et de conseils en matière d’agroforesterie augmente.

Dans le cadre du projet KLIMACrops, des essais d’agroforesterie sont réalisés aussi bien en Allemagne (LTZ) qu’en France (CAA) et en Suisse (FiBL) afin de créer et de communiquer des nouvelles données.

 

Mise en place d’une installation agroforestière pour la démonstration, la recherche et la formation au FiBL Suisse

 

Afin d’offrir aux visiteurs, aux étudiants et aux collaborateurs du FiBL un lieu d’apprentissage pour les questions pratiques et une plateforme de recherche, l’équipe du FiBL met en place une parcelle de démonstration agroforestière facilement accessible sur le campus du FiBL. Le projet a également pour but de réunir les acteurs de l’agriculture et de la sylviculture afin de favoriser l’apprentissage mutuel et de travailler sur les synergies en matière de services écosystémiques.

 

Photo 1 Schéma de l’installation prévue, source Milan Lori, FiBL

Photo 1 Schéma de l’installation prévue, source Milan Lori, FiBL

Photo 2 Mesure de l‘installation (6/2/24), Source Matthias Klaiss, FiBL

Photo 2 Mesure de l‘installation (6/2/24), Source Matthias Klaiss, FiBL

Photo 3 : Vue générale avec les marques pour la plantation fin février, Source Matthias Klaiss, FiBL

Photo 3 : Vue générale avec les marques pour la plantation fin février, Source Matthias Klaiss, FiBL

Matériel et Méthodes

 

Le site :

Le choix du site, l’élaboration du concept détaillé ainsi que les nombreux entretiens et réunions avec les acteurs de la commune et du canton ont duré environ une année. Fin 2023, nous avons obtenu de la commune l’autorisation de mettre en œuvre nos projets. L’installation est située sur un champ d’environ 1,7 ha, cultivée par le locataire d’exploitation de la ferme du FiBL. Le bailleur est la commune de Frick. Le contrat de location a été complété par une clause stipulant que, si le bailleur résilie le contrat, il devra indemniser le locataire pour la valeur des arbres.

La parcelle est visible depuis le FiBL et constitue une extension du campus du FiBL.

La parcelle n’est pas drainée, mais se trouve dans une zone de protection des eaux ; à l’extrémité ouest de la parcelle se trouve une source qui alimente la commune en eau potable. La production des grandes cultures y est possible, toutefois, en plus d’autres restrictions, l’utilisation d’engrais organiques est strictement réglementée.

La terre continue à être exploitée normalement ; l’assolement comprend du soja, des légumineuses à grains, et deux années de prairie temporaire (prairie artificielle), qui, après la première coupe, devra être pâturée par les vaches de la ferme du FiBL.

 

La conception :

L’installation doit répondre à une multitude d’exigences : démonstration, possibilités de recherche, gestion par le locataire, lieu d’apprentissage, laboratoire expérimental, participation et coopération entre divers acteurs internes et externes.

Fin février 2024, les premiers arbres ont été plantés avec de grands espacements de 25 m dans la rangée afin de définir la structure. L’écartement entre les rangées d’arbres est d’environ 24 m, et les bandes arborées ont une largeur de 2 m.

L’installation sera diversifiée progressivement sur plusieurs années. Les différentes pratiques seront définies et mises en œuvre avec la participation des collaborateurs du FiBL.

Au fil des années, plusieurs approches systémiques seront mises en œuvre :

  • Rangée fruitière diversifiée : le long du chemin de promenade, plantation très dense avec des arbres de hauteurs finales variées, plusieurs « étages » (1. arbres à bois précieux, 2. arbres fruitiers, 3. arbustes), accent mis sur la production de fruits, mais aussi de bois. Densité de plantation élevée. Les arbres de valeur seront élagués jusqu’à 6 m de hauteur (pour plus de lumière). Les peupliers hybrides pourront être retirés en cas d’ombrage excessif ou repousseront après taille. Arbres fruitiers demi-tige comme le coing, le noisetier de Byzance, la quetsche, le kaki, la mirabelle (critère de sélection : arbres fruitiers devant se passer complètement de produits phytosanitaires). Plus tard, la population et les collaborateurs du FiBL pourront en bénéficier dans le cadre d’un projet d’autocueillette.
  • Zone de recherche : située au centre du champ, elle comprend uniquement trois essences d’arbres (cerisier, noyer et alisier) répétées six fois, à des fins de recherche. Elle servira de plateforme aux chercheurs du FiBL. Des haies fourragères y seront intégrées à l’automne 2025 ; des recherches pourraient y être menées dans le cadre d’un nouveau projet. Un échantillonnage de sol de référence et une évaluation des récoltes de soja le long de gradients à partir des arbres ont été réalisés.
  • Haie fourragère : sa plantation est prévue pour l’automne 2025.

En tout, quatre bandes arborées sont prévues, qui devraient être installées d’ici 2027. Une signalisation de l’installation permettra aux visiteurs de s’informer sur l’agroforesterie.

 

Contact :

Matthias Klaiss, matthias.klaiss@fibl.org, +41 (0)62 865 7208
FiBL Schweiz, Ackerbaustrasse 113 – 5070 Frick

Evaluation du stockage de carbone et mesure de l’impact des arbres sur un système d’agroforesterie en grandes cultures – des travaux menés par la Chambre d’agriculture d’Alsace

Photo 4 : Parcelle d’agroforesterie en Alsace à Artolsheim, source : François Lannuzel, CAA

Photo 4 : Parcelle d’agroforesterie en Alsace à Artolsheim, source : François Lannuzel, CAA

L’objectif de cet essai est de caractériser les différents micro-climats présents au sein de la parcelle conduite en agroforesterie et d’expliquer le comportement physiologique de la culture sur différents endroits de la parcelle :

  • Sur la bande enherbée où sont plantés les arbres
  • Dans la culture, à proximité de la rangée d’arbre (3 mètres) où l’influence des arbres est la plus forte
  • Au milieu de la parcelle au l’impact de l’arbre est négligeable

Sur ces 3 endroits, la fertilité du sol a aussi été caractérisée.

 

Matériel et méthodes

L’essai est réalisé sur la commune d’Artolsheim, sur une parcelle conduite en agroforesterie depuis 12 ans. Les arbres sont des noyers hybrides espacés de 10 mètres sur la ligne d’arbre. Les lignes d’arbres sont espacées de 30 mètres et sont orientées nord/sud. Cette année, la parcelle était semée en maïs.

 

Mesures pédoclimatiques :

Ces mesures sont réalisées aux trois endroits situés plus haut à l’aide de stations météo connectées reliées à des sondes capacitives.

  • Température, hygrométrie, vent, pluviométrie, rayonnement lumineux

 

 

Photo 5 : Station météo installée dans la parcelle. Source : François Lannuzel, CAA

 

  • Humidité et température du sol à 5, 15, 25, 35 et 45 et 55 cm.

 

Mesure fertilité du sol

  • Bilan complet physico-chimie et biologique du sol (fractionnement de la MO, biomasse microbienne…)
  • Mesure de la fertilité azotée : reliquat sortie hiver dans le sol

 

Mesure physiologique

  • Mesure à la perche LITERAL afin de mesurer la surface foliaire de la culture (LAI)
  • Composante de rendement sur maïs à différents endroits plus ou moins éloignés des arbres : rendement, humidité et PMG

 

Résultats

Reliquats sortie hiver

 

Zone Kg/ha Azote minéral disponible
Horizon 1 Horizon 2 Horizon 3 Total
Zone proche arbre 58 61 63 181
Zone milieu parcelle 40 29 17 86

 

Fractionnement de la matière organique et biomasse microbienne

 

Zone MO % totale MO % liée MO % libre CEC Carbone Biomasse microbienne
% sol Azote C/N % sol C/N % sol C/N Cmol+/Kg g/kg terre mgC/kg terre % de carbone
Zone proche arbre 3,1 1,63 11,2 2,7 10,7 0,5 15,30 19,05 18,2 337 1,9
Zone milieu parcelle 2,6 1,32 11,4 2 11,2 0,2 13,80 22,77 15,1 375 2,5

 

 

Les reliquats sortie hiver montre une quantité d’azote deux fois plus importantes dans la zone proche des arbres. Ces résultats peuvent s’expliquer par le moindre rendement de la culture de l’année d’avant mais aussi par un meilleur fonctionnement biologique du sol à cet endroit et une amélioration de la fertilité du fait de la dégradation des feuilles des arbres.

L’analyse du fractionnement de la matière organique ainsi que de la biomasse microbienne ne montrent pas de grandes différences en termes de fonctionnement du sol entre les deux endroits de la parcelle. Nous notons tout de même 0,5 point de plus de matière organique dans la zone à proximité des arbres.

 

Données climatiques

Graphique 1 et 2 : Evolution du rayonnement

Graphique 3 et 4 : Evolution de l’humidité du sol

Les premiers résultats montrent un effet des arbres différents suivant la période du cycle du maïs :

En début de cycle (juin), la zone située proche des arbres présentent des températures plus clémentes et une humidité du sol plus élevée qu’au centre de la parcelle. Cette situation microclimatique favorable au maïs peut expliquer son meilleur développement à proximité des arbres. En effet une mesure de surface foliaire réalisée par Arvalis sur différentes zones de la parcelle montre une surface de feuille de maïs plus importante sous les arbres (voir graphique 5 ci-dessous).

En juillet/août, le suivi climatique montre que les températures maximales journalières sont significativement plus faibles à proximité des arbres. De fortes différences de rayonnement sont aussi mesurées (voir graphique 1 et 2), le centre de la parcelle recevant une luminosité plus forte sur une grande partie de la journée. Le suivi tensiométrique montre aussi un asséchement plus marqué du sol en profondeur dans la zone proche des arbres notamment à partir du 15 Juillet (Graphique ci-dessus 3 et 4).

 

 

Physiologie et Rendement

Graphique 5 : Mesure à la perche Literal

Ces éléments climatiques permettent d’expliquer en partie les rendements mesurés (graphique 6). Dans le cadre de cet essai, une meilleure productivité est observée sur les zones les plus éloignées des arbres. Ces résultats sont à mettre en regard avec les conditions climatiques de l’année et notamment le manque de rayonnement observé en plaine d’alsace en juillet qui a pu être exacerbé aux endroits proches des arbres.

 

Graphique 6: Rendement maïs des différentes zones de la parcelle


Résultats 2024 : Soja

En 2024, une culture de soja a été implantée sur la parcelle de suivi. Après un labour d’hiver, la variété ES compositor (Précoce – groupe 000) a été semée à 650 000 graine/ha au semoir combiné le 10 mai 2024. La parcelle a bénéficié de deux irrigations de 40 mm le 25 Juillet et le 11 Août. La récolte a été très tardive du fait des conditions très pluvieuses de la fin de cycle.

Données climatiques

Température

Dans le cadre des conditions météorologiques très fraiches et humides de l’année 2024, le suivi des températures proche des arbres et au centre de la parcelle montre peu de différence. Sur les mois de Juillet – Août, nous nous situons dans les optima de températures du soja.
Dans les conditions froides du début Juillet et de la fin Août, les températures au centre de la parcelle était plus propices au développement du soja. Inversement, les arbres ont limité les fortes températures des deux premières quinzaines d’Août ce qui a pu avoir un effet bénéfique sur la mise en place des graines dans les gousses et leur grossissement.

 

Physiologie et Rendement

Les photos prises à la perche LITERAL montrent de faibles différences de couverture entre le centre de la parcelle et proche des arbres. Les pluies régulières ont permis la mise en place d’une couverture foliaire élevée dans les deux situations.

Nous notons une différence de hauteur de 18 cm entre les deux zones. En effet, le contexte hydrique très humide a favorisé la production de  biomasse des sojas et leur élongation en hauteur. Ce phénomène a été plus limité proche des arbres. Dans le contexte de l’année, cet effet a pu être bénéfique en limitant le risque de verse et favorisant l’accumulation de biomasse dans les grains plutôt que dans les feuilles.

Rendement

Le rendement est mesuré sur 5 modalités qui vont d’un gradient partant de la zone proche de la ligne d’arbre jusqu’au centre de la parcelle.

Ces éléments climatiques permettent d’expliquer en partie les rendements mesurés (voir graphique ci-dessus). Dans le cadre de cet essai, une meilleure productivité est observée sur les zones les plus éloignés des arbres. Cependant, ces différences ne sont pas statistiquement significative (Test de Tuckey au seuil de 5%).

Ces résultats sont à mettre en regard avec les conditions climatiques et notamment une alimentation en eau régulière et donc une faible compétition pour l’eau à proximité des arbres. En 2023 sur le maïs, les conditions étaient similaires mais l’impact des arbres sur le rendement du maïs avait  été plus élevé. Après deux années d’expérimentation sur des cultures de printemps, ce suivi se fera sur la culture du blé d’hiver en 2025.

Contact :

François Lannuzel,
Chambre d’agriculture Alsace
11, rue Jean Mermoz
F-68127 Sainte Croix en Plaine

 

Suivi de la situation de concurrence (lumière, eau, nutriments) entre les arbres et les cultures agricoles, identification des effets favorisant le rendement et la qualité au LTZ Augustenberg

Question expérimentale

 

L’influence des arbres peut avoir diverses répercussions sur les cultures, comme la concurrence pour l’eau, les nutriments et l’ensoleillement. L’objectif de l’essai était d’évaluer les effets des systèmes agroforestiers sur la concurrence pour l’eau et les nutriments ainsi que sur le rendement des cultures dans la zone d’influence des arbres.

 

Champ et aménagement

 

En 2009, plusieurs systèmes agroforestiers différents ont été mis en place sur la surface près de Karlsruhe-Stupferich (48°56′ N, 8°29′ E) à partir d’un pré-verger dépérissant avec des arbres semi-tige, entre autres un système silvoarbles avec des feuillus nobles pour  la production de bois de valeur (figure 1). Pour ce faire, quatre bandes de trois mètres de large chacune ont été aménagées avec différents arbres à bois précieux. La distance entre les bandes d’arbres sur la placette est de 15 ou 30 mètres. La distance entre les arbres à l’intérieur de la bande est de 15 mètres. Au sein des bandes de culture, différentes mesures sont effectuées entre 2023 et 2025 pour les cultures d’orge d’hiver (2023), de blé d’hiver (2024) et de maïs grain (2025).

 

Vue aérienne du système agroforestier à Karlsruhe-Stupferich